"Nos frangins" – fiche pédagogique interactive
Cette fiche interactive, à destination des enseignants inscrits au dispositif Lycéens et Apprentis au cinéma, est conçue pour être vidéo-projetée en classe à partir d'un ordinateur connecté à Internet. Elle constitue un outil de travail sur le film pour enseignants et élèves proposant un parcours sur l'esthétique du film à partir de points thématiques et d'analyses de séquences en ligne et des supports multimédia destinés à l'animation de la séance.
Les extraits analysés sont téléchargeables en mp4 en amont de la séance pour les établissements ne disposant pas d'une connexion Internet stable.
Nos frangins de Rachid Bouchareb
Drame – France – 2022 - 1h32 – Avec Reda Kateb, Lyna Khoudri, Raphaël Personnaz, Samir Guesmi
Scénario : Kaouther Adimi, Rachid Bouchareb, Montage : Guerric Catala, Directeur de la photographie : Guillaume Deffontaines (AFC), Musique originale : Amine Bouhafa, Son : François Boudet, Olivier Walczak et Julien Perez
La nuit du 5 au 6 décembre 1986, Malik Oussekine est mort à la suite d’une intervention de la police, alors que Paris était secoué par des manifestations estudiantines contre une nouvelle réforme de l’éducation. Le ministère de l’intérieur est d’autant plus enclin à étouffer cette affaire, qu’un autre français d’origine algérienne a été tué la même nuit par un officier de police.
Préparation à la séance
Rachid Bouchareb, né en 1959 à Paris, est réalisateur et producteur franco-algérien. Issu du Centre d'Etude et de Recherche de l'Image et du Son de Paris, il commence sa carrière comme assistant de mise en scène à la télévision et réalise son premier long métrage en 1985.
Rachid Bouchareb réalise plusieurs longs métrages et est à plusieurs reprises récompensé pour ses films. En 1991, Cheb est primé au Festival de Cannes, et présenté en compétition pour l'Oscar du meilleur film étranger. Il signe une nouvelle réflexion sur l'identité et la quête des racines en 2001, le très remarqué Little Senegal, dans lequel Sotigui Kouyate part en Amérique à la recherche des descendants de ses ancêtres esclaves.
Rachid Bouchareb est aussi scénariste : il a notamment écrit les scénarios de tous ses longs métrages. Celui d'Indigènes de 2006, film de guerre qui met à l'honneur les soldats africains oubliés de l'armée française lui a valu un César. Le film fait l'évenement à Cannes en 2007, où les acteurs Jamel Debbouze, Roschdy Zem, Sami Bouajila, Samy Naceri et Bernard Blancan, reçoivent un Prix d'interprétation collectif.
Après Indigènes, le réalisateur d'origine algérienne entame en 2010 une nouvelle étape dans son travail de mémoire sur les relations entre la France et l'Afrique du Nord avec Hors-la-loi, centré cette fois-ci sur la guerre d'Algérie.
Rachid Bouchareb a été nominé 3 fois aux oscars pour les films Poussière de vie en 1996, Indigènes en 2006 et Hors la loi en 2010.
En 2022, Rachid Bouchareb revient sur l'affaire Malik Oussekine, survenue en décembre 1986 avec le film Nos frangins.
Ressources pour exploiter le film
- Entretien avec Rachid Bouchareb par Cin'Ecrans
- Dossier de presse édité par Le Pacte
- 5 décembre 1986, mémoire d’un crime policier – France Culture - Radio France
- Analyse du film par Ingrid Merckx, rédactrice en chef de l’École des Lettres
Analyse du film
>> Fiction et archives : l'art du montage
La sobriété de la mise en scène et l’efficacité narrative de Nos Frangins sont, en réalité, portées par une construction dramaturgique relativement complexe. Ainsi, le montage du film articule entre eux trois principes d’écriture à la fois distincts et constamment entremêlés :
- l’alternance entre les histoires de Malik Oussekine et d’Abdel Benyahia, dont la morgue représente significativement le point de rencontre ;
- le dévoilement progressif de la scène de l’agression mortelle de Malik par les policiers « voltigeurs », qui détermine la progression dramatique du récit ;
- l’entrelacement des images de fiction avec des images d’archives télévisuelles, qui est parfois soutenu par un régime visuel intermédiaire, naviguant entre stylisation et "effet documentaire" : la création de fausses images d’archives.
Vidéo – extrait 1 commenté
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Questions aux élèves
- Comment le montage construit-il la tension dans cette séquence ?
- Quelle place le discours des journalistes et celui des hommes politiques occupent-ils ? Et comment sont-ils articulés aux images et à la musique ?
- Quelles sont les différences formelles (format et grain de l’image, lumière, couleurs) entre les images d’archives et les images de fiction ?
>> Au nom des morts
Deux des personnages inventés par Rachid Bouchareb et sa co-scénariste Kaouther Adimi servent de lien entre les histoires de Malik et d’Abdel. Il s’agit de l’inspecteur de l’IGS, Daniel Mattei, et de l’employé de l’institut médico-légal, Ousmane. L’un, sombre et taciturne, est chargé de mener l’enquête interne à la police sur les deux affaires. L’autre, solaire et compatissant, veille sur les corps des victimes.
En termes de présence à l’écran, Ousmane est un personnage secondaire. Pourtant, son rôle dans le film est symboliquement essentiel : n’appartenant ni à la police, ni aux familles, il assume un regard différent sur les deux drames, dégagé de la responsabilité coupable des forces de l’ordre et de la douleur des proches. C’est une figure de passeur, qui parle avec les morts, chante pour eux et, finalement, porte leurs voix.
Vidéo – extrait 2 commenté
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Questions aux élèves
- Quels sont les éléments qui relèvent du genre policier dans cette séquence ?
- Comment sont montrées les relations entre les trois personnages ?
- Pourquoi Ousmane apparaît-il plus humain que les deux policiers ?
>> Plus jamais ça
La fin du film est placée sous le double signe de l’oraison funèbre et de la leçon politique. Après la récupération des corps de Malik et d’Abdel par leurs proches à la morgue, Ousmane déclare dans sa langue maternelle, le bambara : "Malik et Abdel. Abdel et Malik. Que Dieu pardonne aux hommes qui vous ont arrachés à vos familles." Debout à ses côtés, l’inspecteur Mattei ne comprend pas ce qu’il dit.
Quelques minutes plus tard, le générique de fin fait défiler des photographies de la manifestation du 10 décembre 1986 contre les violences policières, dont le mot d’ordre était affiché sur des dizaines de banderoles : "plus jamais ça". Pourtant, depuis presque quarante ans, la longue liste des victimes dont les noms se sont ajoutés à ceux d’Oussekine et de Benyahia laisse penser qu’on n’a toujours pas compris.
Vidéo – extrait 3 commenté
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Questions aux élèves
- Qu’est-ce qui oppose les discours des deux hommes politiques, Pierre Mauroy et Charles Pasqua, à l’Assemblée nationale ?
- Comment les images des manifestants dans la rue répondent-elles à ces discours politiques ?
- Comment la famille d’Abdel réagit-elle au reportage télévisé qui lui est consacré ?
Analyse comparative
>> de La Haine à Nos frangins
Depuis la fin des années 1980, de nombreux films ont abordé la question des relations entre la police et la jeunesse des banlieues issue de l’immigration et des milieux populaires. Parmi les plus remarquables, on peut évoquer Ma 6-T va crack-er (1997) de Jean-François Richet, Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe ? (2002) de Rabah Ameur-Zaïmeche ou, plus récemment, Les Misérables (2019) de Ladj Ly.
Mais le film qui a le plus durablement marqué les esprits est La Haine (1995) de Mathieu Kassovitz. Comme Nos Frangins, il s’inspire d’une bavure policière : l’affaire Makomé M’Bowolé, tué d’une balle dans la tête par un inspecteur de police, le 6 avril 1993, lors d’une garde à vue. Les deux œuvres relèvent néanmoins d’approches très différentes : si Bouchareb réalise une "fiction documentée", Kassovitz tire son récit cinématographique vers la fable pamphlétaire.
Vidéo extrait 4 La Haine
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Visionner l'ouverture de Nos Frangins
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Proposition d’activité
Comparez les deux séquences proposées en vous posant les questions suivantes :
- Comment les images d’archives sont-elles introduites dans les deux films ?
- Quel rôle jouent les chansons choisies par les deux réalisateurs pour leurs génériques ?
- Comment se fait la transition, dans chacun des extraits, entre le générique et la première scène de fiction ?
Texte : Francisco Ferreira | Coordination éditoriale : Maëlle Charrier ALCA Nouvelle-Aquitaine
Contacts
Chargée de projets Éducation aux images en temps scolaire
(académie de Poitiers)
05 49 88 87 03
maelle.charrier[@]alca-nouvelle-aquitaine.fr