Fanny Robert : "Faire découvrir une littérature étrangement proche"
Fanny Robert, professeure documentaliste installée au Pays basque, s’est éprise de cette culture pour en faire la ligne éditoriale de sa maison, Duda Muda. Elle a intégré l’incubateur en 2022.
Aux origines, à quoi ressemblait votre projet ?
Après un premier projet qui s’apparentait à la publication de récits de vie et de mémoires familiales, c’est à mon entrée dans l’incubateur que la donne a changé. Aujourd’hui, ce sont les débuts de ma nouvelle structure, Duda Muda. Son nom est en basque unifié, ce qu’on appelle le batua. C’est un basque assez récent qui centralise plus ou moins les dialectes de toutes les régions dans lesquelles on parle le basque. Duda Muda, c'est une idée de mon compagnon Xavier, bascophone et grand lecteur. Intraduisible en français, cela pourrait signifier "un doute qui n'a pas lieu d'être"... De quoi se donner du courage et de l'audace dans cette entreprise éditoriale ! Et puis c'est un clin d'œil et un passage de relais vis à vis de mon premier projet Les gens qui doutent.
Mon idée est de mettre en avant la traduction du basque vers le français ; puisque que je me demandais pourquoi il existait si peu de livres traduits de cette manière, j’ai réalisé que sur 1420 ouvrages basques, seulement 109 étaient traduits en français. La langue basque regorge d’un patrimoine littéraire non traduit et à découvrir, et c’est ce que j’aimerais faire. Il me semble que traduire de la littérature c’est traduire un esprit, un monde, la perception des gens, des traditions. Traduire, c’est faire vivre une langue, aussi.
Quel a été le rôle d’ALCA et de l’incubateur dans la conception de votre projet ?
L’incubateur m’a donné confiance en quelque chose de plus professionnel. Je n’ignorais pas totalement la conception d’une structure éditoriale car j’ai un parcours dans les métiers du livre. J’ai découvert un pan professionnel très concentré sur mon projet, sur quelques mois, avec des intervenants de formateurs de qualité. Je me suis dit qu’on avait de la chance qu’ils s’intéressent à nous et notre projet.
Au départ, peut-être qu’on peut trouver ça un peu maternant. Mais finalement, on vous prend sous son aile, on vous donne de l’élan. C’était super riche, de se voir avancer les uns les autres, ça c’est le point fort et la magie de l’incubateur. Je pense même que c’est ce qui fait sa force. Une chose est sûre, j’ai envie de créer des livres qui soient lus.
Et le futur de Duda Muda, c’est... ?
Aujourd’hui, je sais déjà quels titres j’aimerais faire paraître, mais ce n’est pas facile de trouver des traducteurs et des traductrices. Peu vivent de ça, et en basque, la traduction est presque de niche. Ça peut aussi être compliqué politiquement parlant de s’atteler à ce genre de projets, parce que certains défendent la langue basque, dans le sens où il faut qu’elle existe le plus possible sans traduction.
Dans ce cas, il faut avancer avec précaution. Ces personnes qui veulent défendre le basque doivent adhérer au projet de Duda Muda, et le voir comme un moyen de soutenir la langue et la mettre en lumière.
J’aime cette idée de faire vivre des livres, ça parait peut-être évident mais c’est très excitant de faire découvrir une littérature étrangement proche. Peut-être aussi ai-je envie, à mon niveau, de changer la donne de la traduction. Il y a une réelle injustice pour les traducteurs et les traductrices, car plus leur travail est virtuose, moins on le remarque. Je ne veux pas que ma maison d’édition laisse le traducteur dans l’ombre. Et même l’auteur, je veux qu’il ait son mot à dire, qu’il puisse parler de sa langue.
J’aimerais que ma maison soit représentative du Pays basque. La culture basque est marquée par l'oralité, la puissance de la langue. C'est avec la volonté de raconter un territoire, une identité, des mémoires, que la littérature basque s'est construite. Ce sont ces récits que Duda Muda aura à cœur de faire connaître au delà des frontières du Pays basque.
Propos recueillis par Flora Ghedjati Reigneau
Fanny Robert est à la recherche de traductrices et traducteurs prêts à rejoindre son aventure éditoriale.
Pour la contacter : editionsdudamuda@gmail.com