Fiat lux… Et la bibliothèque vit que la lumière était bonne
Journée régionale de l'inventivité en bibliothèque 2020
À Limoges et dans sa région, la Bibliothèque francophone multimédia (Bfm) est une maison du livre aussi reconnue que familière, à tel point que le terme « Bfm » a depuis longtemps remplacé celui de « bibliothèque » dans la bouche des Limougeauds. Aussi, quand à la mi-mars notre bibliothèque a dû se recroqueviller comme tout le monde dans sa coquille-19, beaucoup l’ont regretté. Parmi eux, un usager bienveillant se trouvant être directeur d’une agence spécialisée dans les enjeux environnementaux…
Présentation
Sylvain Leroux est président-directeur de l’agence ENCIS-environnement installée à Limoges. Familier de la Bfm, il sait début mai que nous ne pourrons rouvrir qu’à la condition (entre autres) de trouver une solution de désinfection pour les 85 000 documents empruntés que les usagers vont être appelés à nous rendre. Bien sûr, il y a la possible quarantaine… mais il nous fait part de l’existence d’une technologie développée par SANODEV, entreprise située au technopole d’Ester au nord-est de la ville : une sorte de caisson luminescent qui permet de décontaminer toutes sortes de choses en seulement quelques secondes.
Certes, cette information nous intéresse vivement. Mais quand Sylvain Leroux se propose tout de go comme mécène pour couvrir la location de cette machine au cas où elle nous conviendrait, nous nous jetons littéralement sur le téléphone, contactons la société fabricante pour assister dès le surlendemain, dans leurs ateliers, à la démonstration d’un appareil qui pourrait être qualifié de four à lumière pulsée.
En nous rendant chez Sanodev, nous nous apercevons que nous connaissons son directeur Nicolas Picard –en effet, deux années auparavant, nous avons réalisé la sonorisation de notre jardin intérieur avec une entreprise de design sonore pour laquelle il travaillait alors… Mais si le courant passe bien, c’est avant tout dans la machine qu’il nous présente : ultra-rapide (éradication du virus en 7 secondes), très simple à manipuler, peu bruyante et, vu le contexte, efficace même si elle ne peut contenir qu’un nombre limité de documents à la fois (entre 3 et 5).
Les accords sont vite pris avec les uns et les autres : au moins jusqu’en août, nous aurons à la bibliothèque une LP-box (« L.P. » pour « lumière pulsée »… et non pour « Louis Pasteur », même si le brevet de cette machine a été éprouvé avec le contrôle de l’Institut Pasteur). Pour résumer, l’appareil concentre en quelques secondes la puissance notoirement désinfectante mais d’ordinaire diffuse des rayons solaires.
On appuie sur le gros bouton rouge et on attend… 7 secondes. Si seulement mon logiciel de planning était aussi simple !
Une machine logeable et peu bruyante…
Un présentoir a été confectionné sur mesure pour maximiser les effets de la lumière pulsée sur la surface des documents
Impact
Essentiellement, un temps considérable gagné sur la quarantaine de 10 jours préconisée en mai 2020 aux bibliothèques publiques pour leur réouverture (dès le début, nous avions statué sur le fait que pour exposer le moins possible les collègues et éviter la consommation de produits chimiques, nous ne désinfecterions manuellement aucun document).
Au bout de quinze jours d’utilisation de la machine, nous nous sommes aperçus que sans forcer nous parvenions à désinfecter en flux direct, pendant les seules heures d’ouverture au public, la quasi-totalité des livres rendus (95%) et ainsi, à les remettre sans délai en rayon ou --question cruciale durant la période de déconfinement, à la réservation d’un autre lecteur. Donc :
- Côté agents : moins de port de charge / manipulation
- Côté usagers : davantage de réactivité dans la remise en circulation des documents
Contraintes
Cet appareil ayant été développé pour du petit matériel médical, il n’était pas complètement adapté à l’utilisation en bibliothèque, ce qui nous a conduits :
- à passer chaque document, par précaution, deux fois dans le four afin de s’assurer que l’ensemble de ses faces soient désinfectées. En moyenne, nous passons donc 16 secondes par document au lieu de 8. On reste preneur !
- à choisir de ne pas y passer systématiquement (mais seulement sur les tranches de moindre fréquentation) ni les CD ni les DVD, étant donné que ces supports nous demanderaient, eux, de quadrupler le temps passé (2 passages par boîtier + 2 passages par galette).
Portée
Image de marque : La découverte de l’engin par les usagers, le bouche à oreilles et quelques relais dans la presse locale ont permis de véhiculer une image dynamique et proactive de la bibliothèque, que ce soit auprès des habitants comme de nos élus.
Management : quelquefois on peut faire vite et bien, avec une méthodologie de projet simple mais efficace. Si la situation épidémique a assurément facilité les circuits de décision, ce type d’expérience peut sans doute re-positiver la place de l’invention dans notre métier où, malheureusement, la prégnance administrative englue trop souvent la prise d’initiative par les professionnels.
Partenariat : Cette situation nous a permis de développer un type peu habituel et finalement très décontracté de partenariat, mêlant le privé au public, parlant de mécénat et situant plaisamment la bibliothèque comme « plateforme de test » voire « consultant » d’une entreprise puisque nous nous sommes engagés à lui faire remonter un bilan ergonomique de l’appareil et des pistes de développement pour ouvrir éventuellement leur marché au monde des bibliothèques (ex : chaîne de retour mécanisée avec un système de désinfection intégré… chut !)
Contact
Bibliothèque francophone multimédia- Ville de Limoges
Julien Barlier, directeur de la Bfm de Limoges,
julien.barlier@limoges.fr, 05 55 45 96 99