Mam’zelle Monoplan
Roman des débuts de l’aviation militaire. Et comme dans tout bon roman d’aventure, la passion voisine avec l’action.
On ne sait finalement pas grand-chose de Marcel Nadaud : né à Limoges en 1887, il meurt à Vichy en 1943. Entre-temps il fut journaliste puis chef du service économique (Le Petit Journal), vraisemblablement, au début des années trente, arpentait-il les couloirs ministériels (agriculture surtout). Chevalier de la Légion d’honneur en 1920, il est fait officier en 1924 [Gallica : Journaux officiels (Paris) 01/09/1924].
Mais il est étrangement absent de la base de données Léonore qui répertorie les dossiers des membres de l'ordre national de la Légion d'honneur.
Son activité d’écrivain est cantonnée entre 1909 (Coups de griffes… Pattes de velours, roman) et 1927 (L’Armée du crime, La Coco, L’Espionnage d’après-guerre, avec André Fage).
Puis plus rien : il disparaît de la vie littéraire.
Mais revenons à 1920.
Marcel Nadaud est un auteur de théâtre, neuf de ses drames et comédies sont régulièrement à l’affiche entre 1912 et 1914 :
La France entre en guerre : il est mobilisé en 1915 et désigné pour le 1er groupe d'aviation à Dijon.
Il devient un spécialiste des histoires de guerres aériennes, alors même que l’aviation est encore balbutiante : "Il a descendu fort proprement deux Taubes [avions allemands], à la suite de duels aériens à la carabine".
Il obtient de prix Montyon (Académie française) en 1917 pour En plein vol.
Et il enchaîne pas moins de dix titres en trois ans dont la majorité tourne autour de l’aviation, de l’aventure et de l’espionnage (sans oublier les relations amoureuses) : Chignole. La Guerre aérienne en 1917, Frangipane et Cie en 1919 et Mam’zelle Monoplan en 1920 ainsi que la même année Ziska, la suite de Mam’zelle Monoplan.
Les romans guerriers abondent en cette période : il faut vanter la gloire des héros et la grandeur du pays, avec un zeste de sacrifice et d’actions d’éclat, pour soutenir l’effort de la mère patrie. La collection "Patrie" de l’éditeur Rouff en est le parfait exemple : on y trouve de grands noms du roman populaire : Gustave Le Rouge (L'Espionne de la marine, 1917) ou Jean Petithuguenin (L’Allemagne vaincue, 1919).
Marcel Nadaud en 1927, © Gallica.
Chez Albin Michel on publie (entre autres) Mam’zelle Monoplan de Marcel Nadaud. Avec un petit plus : Nadaud connait le milieu des As. Le texte est parsemé de termes d’argot de l’aviation comme "zinc", "coucou" ou "aéro" pour avion.
Et quelques piques bien senties pointant ceux qui, à l’arrière, "le Tout-Paris — celui qui n’a pas encore trop souffert", pensent que si la guerre se termine trop tôt elle stoppera la "nette l’ascension de leurs bénéfices".
À y regarder de près, le roman offre quelques décalages : le héros est plutôt une héroïne, Ginette, dite Mam’zelle Monoplan. André, son promis, l’As de cette aviation naissante (l’action du roman se situe en 1915) n’est pas au mieux de sa forme : "Être le héros, le demi-dieu pour tous, sauf pour celle qu’on aime, n’être pour celle-là qu’un homme, suivant les circonstances impulsif, menteur, peut-être lâche, un homme, rien qu’un homme."
Le roman mêle délicatement technique, espionnage, vengeance et passion. Mais finalement il faudra attendre le tome 2 pour connaître la suite et le dénouement (à paraître en janvier dans la Bibliothèque patrimoniale numérique d’ALCA).
En voici le pitch :
"— Ainsi… vous ne regrettez rien ?
— Rien… Le ciel n’est-il pas bleu partout lorsqu’il abrite des amoureux ?…"