Dans Les Grands Chevaux, Fanny Wallendorf continue à creuser cette idée de "vocation", déjà présente dans son premier roman L’Appel paru en 2019. Pour certains, se consacrer corps et âme à son art, sa pratique, est un besoin quasi vital et le seul moyen de conserver son intégrité. C’est le cas de Niels, un jeune cracheur de feu. Il a trouvé dans cette pratique une réponse à son besoin d’absolu et une manière de se reconstruire après une histoire familiale dramatique. Symboliquement, il fait naître la lumière. Il avait réussi à atteindre l’équilibre et une sorte de bonheur quand des problèmes de santé (liés au pétrole qu’il ingurgite), menacent de tout remettre en cause.

En parallèle, Kerr, employé dans une station-service, semble à peine survivre. Il se débat avec une dépression latente, née d’un traumatisme d’enfance. Son amour pour Coline, une jeune fille gaie et pleine d’énergie, éloigne la noirceur et lui laisse envisager un avenir apaisé.

Leurs destins en miroir, entre élévation et chute, ont pour cadre une étrange ville bicéphale dont les deux pôles étaient autrefois réunis par un pont. La reconstruction de ce pont, détruit lors de la Seconde Guerre Mondiale, est source de conflit permanent depuis des décennies entre les Pour (la ville Basse où vit Niels) et les Contre (la ville Haute où vit Kerr). Les deux hommes se trouvent bien malgré eux embringués dans cette histoire et sommés, d’une certaine manière, de choisir leur camp.

Ce roman mêle habilement les trajectoires de deux héros qui n’en sont pas, deux innocents qui cherchent à se délivrer de leur héritage. Nourrie de symboles, de liens sous-jacents, de similitudes et d’oppositions entre les deux histoires, la construction est subtile.

Fanny Wallendorf signe un roman à la fois flamboyant et crépusculaire, où la passion et la nature sont les seuls remèdes à la peur de vivre dans un monde indéchiffrable.