Mon naufrage et mes réflexions philosophiques
1859 : Le Saint–Savinien, "construit sous le patronage des habitants" de Saint-Savinien en Charente-Maritime est mis à l’eau en grande pompe, dans l’allégresse et la joie.
Chargés d’eau-de-vie charentaise il voyage entre l’Ecosse, l’Irlande et les côtes françaises.1861 : le navire, commandé par le capitaine Pierre Martin, après une escale à Odessa reprend ses pérégrinations dans la mer d’Azoff pour rejoindre la mer Méditerranée, malgré la tempête qui s’annonce jusqu’au fatal cap Karabournou…
Ce court récit maritime est le témoignage brut de la tragédie. Il retrace l’histoire de la goélette de sa construction jusqu’à sa perte, les états d’âmes et considérations « philosophiques » de son capitaine ainsi que la conclusion de la Commission des naufrages qui, après enquête, « a reconnu que les circonstances du sinistre mettent à couvert la responsabilité » du navigateur.
Ce petit document (16 pages) imprimé à Saintes (17) en 1862 relate l’histoire de la goélette Saint-Savinien : un joli petit navire, portant le nom du pays. Il fût rédigé par son capitaine, maître de cabotage inscrit à Saintes sous le numéro 79, peu de temps après le naufrage du bateau. Témoignage d’un drame, d’une aventure humaine mais aussi d’une époque où les navires de commerce descendaient la Charente afin d’exporter les productions charentaises vers d’autres horizons.
Pierre Martin note dans sa relation :
Le « Saint-Savinien », après avoir reçu tous ses agrès, fut chargé d'eaux-de-vie à Tonnay-Charente pour la destination de Glasgow (Ecosse), faisant escale à Dublin (Irlande). […] Nous prîmes la mer le 9 janvier 1860, le vent Sud, la mer grosse et le temps brumeux. Nous fîmes une traversée assez heureuse, et le 17 du même mois nous étions amarrés dans le bassin de la douane de Dublin, sans avaries.De Glasgow j'opérai mon retour sur Nantes, et, après trois autres voyages sur les côtes de France, j'entrepris de porter une riche cargaison en mer d'Azoff. [La mer d’Azov est une mer intracontinentale peu profonde. Elle est bordée par l'Ukraine, la Russie et au sud par la presqu'île de Crimée. Le détroit de Kertch la relie à la mer Noire].
Un des intérêts de ce court texte réside dans le fait que Pierre Martin ne relate pas seulement les voyages et le naufrage de sa goélette d’un point de vue technique mais nous livre ses « réflexions philosophiques » : Je ne suis point superstitieux ; mais, je l'avoue, j'étais très triste en laissant la rade d'Odessa, tandis que j'aurais dû être content de sortir d'un endroit où j'avais beaucoup souffert du froid, et dépensé par la longueur du temps, tous les bénéfices du voyage. Avais-je donc le pressentiment du malheur qui nous attendait à trois jours de là ? Et, plus loin : Pendant la nuit qui précéda mon naufrage, je faisais, les réflexions suivantes : Qu'est-ce donc que la vie pour qu'on y tienne tant ?
Le samedi 16 janvier 1861, la tempête augmente : je fis amener la grand'voile, il était six heures du soir, le navire fatigua beaucoup, la mer le couvrit impitoyablement de l'arrière à l'avant, balayant tout sur son passage.
Le 17 la tempête redouble : nos angoisses redoublèrent à la pensée que d'un moment à l'autre, le navire pouvait s'ouvrir sur un rocher et nous engloutir tous, sans que nous ayons aperçu la terre, sans que nous ayons pu lutter pour éviter le danger. […] Voyant notre perte inévitable, j'aperçus en examinant la côte, une petite baie à l'ouest du cap où la mer paraissait rouler sur le sable. […] Ses mâts brisés, ses voiles déchirées en lambeaux accusent la violence du vent, la mer en fureur qui déchire ses flancs criant sous ses coups, toute cette désolation prouve la fragilité des choses humaines.
Les malheureux naufragés qui venons d'échapper à la mort sont recueilli par les Turc. Mais l’aventure n’était pas terminée…
Ce petit document (16 pages) imprimé à Saintes (17) en 1862 relate l’histoire de la goélette Saint-Savinien : un joli petit navire, portant le nom du pays. Il fût rédigé par son capitaine, maître de cabotage inscrit à Saintes sous le numéro 79, peu de temps après le naufrage du bateau.