Le recueil "Des nouvelles de l'Ovalie" adapté à l'écran et diffusé sur France 3
ALCA et le Conseil régional, à l'occasion de la Coupe du monde masculine de rugby en 2023, ont invité les lycéens, lycéennes et apprenti/es du territoire à proposer une nouvelle littéraire, en vue de la publication d'un recueil et de la réalisation d'un court métrage. La nouvelle lauréate, "Ma Thérapie", écrite par Louane Fenioux et réalisée par Thomas Bardinet, est diffusée sur la plateforme NoA de France 3. Le film est disponible en replay à partir du 12 octobre 2023.
Le recueil de nouvelles, paru aux éditions Passiflore cet automne, donne à lire les cinq nouvelles lauréates, sélectionnées par un jury d'auteurs, autrices, journalistes et joueurs et joueuses de rugby néo-aquitains, ainsi que quatre nouvelles inédites de Frédérique Clémençon, Serge Airoldi, Pascale Moisset et Éric Des Garets.
Voici la nouvelle qui a inspiré le court métrage coproduit par Massala et France 3 (avec le soutien du Département des Landes) :
"Ma thérapie"
La peau rugueuse du ballon me frotte le visage. Devant moi, le ruck s’effondre, et dans cette marée de joueuses au sol, je vois un mince couloir qui s’ouvre à moi. Je m’y engouffre, pas moyen de me faire lâcher la balle, calée contre mon cœur, comme si ma vie en dépendait. Un mètre, deux mètres, puis trois, quatre, cinq... Mais les bleues d’en face savent y faire. Notre maillot rouge ne semble pas vraiment les effrayer. Je finis ma course dans un dernier effort, mais je m’écrase contre lui, ce foutu mur de corps. Aucune chance ! Mon physique d’arrière ne suffit pas.
Alors, bien sûr, nous essayons de les contenir, ces maudites bleues. Mais elles avancent, percent notre rideau défensif. Nous sommes définitivement débordées.
Sur le banc de touche, le coach hurle à plein poumon de nous reprendre. Rien n’y fait. Le match est plié maintenant. Trois essais d’écart. Et bonus offensif par-dessus le marché...
Nous rentrons au vestiaire, tête basse. La suite ? Toutes les joueuses de rugby, tous les entraîneurs la connaissent : débriefing, autocritiques, bonnes résolutions et à bientôt pour un prochain match.
Le bus vient de me déposer près de chez moi. Je rentre, le cœur serré, la boule au ventre.
On a perdu le match et, à la maison, en ce moment, mes parents sont en pleine séparation, ce n’est pas vraiment la joie.
Au portail, je les entends déjà qui se gueulent dessus.
Un pas dans la maison, déjà une porte qui claque. Si fort. À se dégonder.
Immédiatement, j’entraîne mon petit frère à l’écart du conflit qui s’enflamme.
Que les adultes se déchirent, c’est leur affaire. Mais que mon petit frère le subisse, non. Mille fois non !
On s’enferme dans la chambre, j’allume l’ordinateur, Walt Disney direct, le son en dolby et gâteaux secs comme réconfort. Opération "Bichoco à gogo".
Il faut que je garde cette colère en moi, pour le prochain match, que mon tsunami familial serve au moins à quelque chose. Je suis tellement bouleversée que je dois vider tout cela d’une manière ou d’une autre sur le terrain.
Un silence lourd pèse dans les vestiaires. Dernières consignes du coach. On réajuste nos protections, casques, straps, protège-dents. Derniers mots de la capitaine. Allez, c’est parti.
Lentement, très concentrées, nous avançons vers ce petit rond de lumière, tout au bout du couloir.
J’ai toujours cette rage en moi. Elle me donne de la force. Je dois à tout prix l’utiliser sur le terrain, c’est mon carburant.
Déjà, nous entendons les clameurs dans le stade. Des supporters crient, scandent le nom de notre équipe. Chair de poule. Nous sommes déterminées. Les deux équipes marchent côte à côte. Petits regards de défi.
Droit devant, notre destin.