"Atlantique", l’odyssée sénégalaise de Mati Diop
Publié le
02/10/2019
Grand Prix du Festival de Cannes en mai dernier et soutenu par la Région Nouvelle-Aquitaine, Atlantique, en salle ce mercredi 2 octobre, est le premier long métrage de Mati Diop. En suivant la destinée d’une jeune Dakaroise ayant perdu son amour parti en mer, la réalisatrice franco-sénégalaise dresse le portait de femmes en reconquête dans un pays meurtri par l’émigration.
Atlantique est votre premier long métrage. Dans quelle mesure s’inspire-t-il d’Atlantiques, court métrage que vous avez réalisé en 2009 ? Cette filiation entre les deux films explique-t-elle aussi le genre singulier d’Atlantique, entre drame social et fantastique ?
Les deux films traitent du thème de la migration, dans un même cadre historique et social : les années 2000 et 2010 durant lesquelles de nombreuses personnes sont mortes en quittant les côtes sénégalaises pour l’Europe. Dans le court métrage est racontée par un jeune homme sa traversée en mer jusqu’en Espagne. Je trouvais intéressant à l’époque de donner à entendre le récit de ce voyage par quelqu’un qui l’a vécu et pas par ce que les médias rendaient complètement abstrait et déshumanisé. Dans le long métrage, je pars du point de vue des femmes en m’inspirant de la figure de Pénélope dans l’Odyssée qui attend le retour d’Ulysse. L’idée n’était surtout pas d’en faire une attente passive mais au contraire que la disparition des hommes agisse comme un tremplin vers leurs propres reconquêtes. J’ai donc opéré avec Atlantique un basculement de point de vue et approfondi la dimension fantastique, cette dernière faisant néanmoins partie de la réalité des croyances sénégalaises.
Le film est tourné essentiellement en wolof. Quelles en sont les raisons ? Comment cohabitent les langues au Sénégal et comment les Sénégalais appréhendent-ils le français ?
La langue principale au Sénégal est le wolof et le français, parce que le pays a été colonisé par la France, y est aussi présent. Si le français reste d’ailleurs la langue administrative du pays, j’ai voulu tourner ce film dans la langue pratiquée, pour être au plus près de l’humanité, de la réalité et de l’imaginaire des personnages...