Traqueurs d’Infox : l’outil ludique contre les fake news
Des artistes intervenants se sont retrouvés le 18 mai dans l’auditorium d’ALCA, au sein de la MÉCA, pour assister à une journée de formation à Traqueurs d’Infox. Dirigé par Isabelle Saussol, ce moment de rencontre était l’occasion de s’approprier l’outil, développé par l’association Les Déclencheurs, qui permet de développer son esprit critique face aux réseaux sociaux et aux médias tout en s’amusant.
Trois questions à Isabelle Saussol, responsable de projets culturels et éducatifs et cheffe de projet au sein de l’association Les Déclencheurs
En tant que champ de l'éducation aux images, quels sont les enjeux et spécificités de l'éducation aux médias ?
Les deux étant intrinsèquement liées, elles se répondent et se complètent. Les enjeux sont immenses et peuvent parfois rendre la mission éducative plus complexe pour tous ceux qui ne sont pas professionnels de l’image et de l’actualité. C’est pour cette raison qu’a été conçu le dispositif Traqueurs d’Infox. Après avoir recensé la totalité des freins et difficultés des éducateurs, nous avons pris le parti de créer un chemin de dialogue et d’interactions ludiques pour formuler collectivement, conscientiser les questionnements clés au cœur de l’analyse des médias et qui sous-tendent en permanence les contenus proposés (jeux, ateliers, débats, etc.).
En quoi le jeu constitue-t-il un moyen de développer une posture critique à l'égard des médias et des réseaux sociaux ?
Le jeu, dans son mode collaboratif, permet avant tout de restaurer l’échange et une démarche collective face à un sujet donné. C’est ce qui manque dans nos pratiques quotidiennes. Nous sommes seuls face à nos écrans avec nos émotions, nos doutes. À plusieurs on voit mieux, on conscientise et on comprend mieux. De plus, les vertus du jeu sont notables en matière de démarche pédagogique puisqu’il permet de placer le groupe dans un état d’esprit positif et une posture active : on peut ainsi maintenir l’attention sur un sujet dans un temps donné, réduire l’anxiété face aux lacunes ou aux erreurs tout en proposant une mise en application immédiate qui favorise la mémorisation. Étant collectif, il permet une communication conviviale qui soude le groupe. Son temps est "à part", il est complété dans le dispositif par un temps de réflexion collective puis la mise à disposition d’outils pour prolonger la discussion pour ceux qui le souhaitent.
Le dispositif que vous proposez s'adresse à des jeunes à partir de douze ans mais également à des publics plus âgés. Dans quelle mesure peut-on dire que le questionnement des médias et des réseaux sociaux constitue une problématique intergénérationnelle ?
Traqueurs d’Infox souhaite renouer le dialogue intergénérationnel entre parents et enfants, entre les jeunes et leurs éducateurs dans les différents cadres scolaires. Les contenus toujours changeant de l’actualité, leur complexité, l’évolution des techniques et des codes rendent plus difficiles les échanges. On a souvent l’impression d’être chacun sur des planètes différentes et que le dialogue est impossible, la posture d’éducateur est forcément particulière sur ces sujets. Nous préférons favoriser le "faire avec" car il est impossible d’avoir en permanence le recul et les éléments pour animer un débat sans tensions face à la diversité et la sensibilité des sujets qui nous parviennent chaque jour. Il est difficile de distinguer un témoignage d’une opinion, un argument d’une croyance, tout se mélange et ce pour toutes les générations : il n’y a pas d’âge à atteindre à partir duquel nous serions en mesure de tout comprendre mieux que les autres, c’est un cheminement permanent. Nous souhaitons de ce fait placer l’éducateur en position de facilitateur et non de censeur.