Gatienne ou les prémisses d’une littérature contre les violences faites aux femmes.

Mathilde Marie Georgina Élisabeth de Peyrebrune Judicis, dite George (ou Georges) de Peyrebrune est née en 1841 en Dordogne. Fille non reconnue par son père, dont elle prendra le prénom, la fillette reçoit comme patronyme le nom de son hameau natal : Peyrebrune.

Éveillée très tôt à l’écriture, elle se rend seule à Paris après quelques années d'un mariage malheureux où elle contribua à plusieurs revues féminines et publia un grand nombre de romans qui connurent un succès populaire. Deux de ses romans furent couronnés par l'Académie française (en 1897 Vers l’amour et en 1900 Au pied du mât). Elle publiera une trentaine de romans et connaîtra la notoriété.

Dreyfusarde, elle est aussi féministe et fait partie du premier jury du prix Femina en 1904.

Gatienne est un de ces tout premiers roman, publié en 1882.

L’histoire de Gatienne, comme plus tard l’héroïne de son roman le plus connu Victoire la rouge, est de celle que nos aïeules adoraient lire : Une orpheline, rudoyée par la vie, violée, dont la vie, après une courte période de bonheur et d’amour, s’enferre dans malheur.

C’est, en cette fin de XIX siècle, où les femmes commencent à se faire entendre (on pense à André Léo dont on peut d’ailleurs découvrir La Commune de Malenpis un fort beau texte dans la série du Document du mois une très forte évocation des violences faites aux femmes et d’une injustice enfouie dans les tréfonds de l’histoire : " Un vague sentiment d’égalité morale lui rappelant que l’homme n’est tenu, lui, à aucun aveu, elle pensait : Et pourquoi la femme ? La société l’ordonne ainsi : c’est sa loi. Une loi que l’homme a faite. Eh bien, si elle, la femme, repoussait ? ".

Une bonne raison pour la lire.

Elle aborde aussi la notion de plaisir "charnel" ce qui hérisse l’abbé Louis Bethléem, le pourfendeur de la bonne morale. Dans Romans à lire et romans à proscrire il relève : "Mme Georges de Peyrebrune [...] romancière qui, comme beaucoup d’autres déjà citées, est persuadée que l’amour peut être la seule préoccupation de la femme dans la vie.

Presque tous ses ouvrages [...] sont au moins, à ce titre, dangereux pour la jeunesse. Ce sont de bonnes sornettes sentimentales et souvent décolletées. La Marcotte ; Victoire la Rouge ; Les femmes qui tombent vont jusqu’au libertinage."

Une autre bonne raison pour la lire.

Si elle meurt dans la pauvreté et l’oubli en 1917, n’oublions pas que George de Peyrebrune à inspiré l’un des plus grands auteurs de son temps : Octave Mirbeau s'est inspiré des thèmes de son roman Victoire la Rouge pour élaborer l'intrigue de Le Journal d'une femme de chambre. Comme le rappelle Nelly Sanchez : " Si la genèse du Journal d'une femme de chambre est désormais bien établie, sources et emprunts qui ont présidé à son écriture restent, pour une large part, ignorés. Au nombre des dettes littéraires de Mirbeau nous pouvons cependant compter Victoire la Rouge, roman de Georges de Peyrebrune paru en 1883."

Une troisième bonne raison pour la lire.