Lycéens et apprentis au cinéma en Nouvelle-Aquitaine - Académie de Bordeaux – focus sur les films de l’édition 2022-2023
ALCA propose 6 films pour l'édition 2022-2023 du dispositif Lycéens et apprentis au cinéma en Nouvelle-Aquitaine pour l'Académie de Bordeaux.
Elephant Man de David Lynch – En liberté ! de Pierre Salvadori – La Leçon de piano de Jane Campion – L’Image manquante de Rithy Panh – J'ai perdu mon corps de Jéremy Clapin – Les Sorcières d'Akelarre de Pablo Aguëro
Elephant Man de David Lynch
Drame – USA – GB – 1980 –2h04 – Avec Anthony Hopkins, John Hurt, Anne Bancroft…
Londres, 1884. Le chirurgien Frederick Treves découvre un homme complètement défiguré et difforme, devenu une attraction de foire. John Merrick, " le monstre ", doit son nom de Elephant Man au terrible accident que subit sa mère. Alors enceinte de quelques mois, elle est renversée par un éléphant. Impressionné par de telles difformités, le Dr. Treves achète Merrick, l'arrachant ainsi à la violence de son propriétaire, et à l'humiliation quotidienne d'être mis en spectacle. Le chirurgien pense alors que " le monstre " est un idiot congénital. Il découvre rapidement en Merrick un homme meurtri, intelligent et doté d'une grande sensibilité.
"[…] Lynch fait semblant de jouer le film d’horreur classique : la nuit, les couloirs déserts de l’hôpital, l’heure du loup, la fuite rapide des nuages sous un ciel plombé et soudain ce plan de John Merrick dressé sur son lit, en proie à un cauchemar. Le spectateur le voit – vraiment – pour la première fois, mais ce qu’il voit aussi c’est que ce monstre censé lui faire peur a peur lui-même. C’est à ce moment-là que Lynch libère son spectateur du piège qu’il lui a d’abord tendu (le piège du « plus-de-voir »), comme s’il lui disait : ce n’est pas toi qui comptes, c’est lui, l’homme-éléphant ; ce n’est pas ta peur qui m’intéresse, c’est la sienne ; ce n’est pas ta peur d’avoir peur que je veux manipuler, c’est sa peur de faire peur, la peur qu’il a de se voir dans le regard de l’autre. Le vertige change de camp. "
Serge Daney – Cahiers du cinéma, avril1981
Ressources pour exploiter le film
- Transmettre le cinéma : Elephant Man
- Podcast "Les films mythiques" : Elephant Man, les secrets de fabrication du chef-d'œuvre de David Lynch sur RTL.
En liberté ! de Pierre Salvadori
Comédie – France – 2018 –1h48 – Avec Adèle Haenel, Pio Marmaï, Audrey Tautou…
Yvonne jeune inspectrice de police, découvre que son mari, le capitaine Santi, héros local tombé au combat, n’était pas le flic courageux et intègre qu’elle croyait mais un véritable ripou. Déterminée à réparer les torts commis par ce dernier, elle va croiser le chemin d’Antoine injustement incarcéré par Santi pendant huit longues années. Une rencontre inattendue et folle qui va dynamiter leurs vies à tous les deux.
"[…] Remarquablement écrit, sautant du burlesque au slapstick, de la comédie romantique à la farce (et retour), ce neuvième film de Pierre Salvadori caracole à toute vitesse et mélange les genres avec entrain. Il assume ses références écrasantes (Billy Wilder, Philippe de Broca, Ernst Lubitsch,
Jonathan Demme… entre autres) et réinvente un style propre qui tisse les faux récits de chacun et la réalité du quotidien (tout de même très branque).
Ce qui est drôle, ici, c’est que rien ne l’est, à la base. La solitude, l’injustice, la trahison président à tous ces destins croisés, entremêlés, tricotés même en sac de nœud ! Ce qui est beau, c’est que le cinéma est le centre du film, son essence et sa raison d’être : comment une fiction devient réalité, comment l’imagination est un moteur (et parfois, aussi, un frein). Entre feu d’artifice d’émotions et explosions de rires, il y a quelque chose de revigorant dans En liberté ! Adèle Haenel, Pio Marmaï, Damien Bonnard et Audrey Tautou, sans oublier Vincent Elbaz qui « surjoue » Santi, sont tous épatants, émouvants et drôles, sur le fil de sentiments contradictoires."
Isabelle Danel - Bande à part
Ressources pour exploiter le film
La Leçon de piano de Jane Campion
Drame – Nouvelle-Zélande – 1993 –2h01 – Holly Hunter, Harvey Keitel, Sam Neill…)
Ada, mère d’une fillette de neuf ans, s’apprête à partager la vie d’un inconnu, au fin fond du bush néo-zélandais. Son nouveau mari accepte de transporter toutes ses possessions, à l’exception de la plus précieuse : un piano, qui échoue chez un voisin illettré. Ne pouvant se résigner à cette perte, Ada accepte le marché que lui propose ce dernier : regagner le piano, touche par touche en se soumettant à ses fantaisies...
Ressources pour exploiter le film
- Dossier pédagogique édité par le CNC
- Radiotélévision Suisse : "La leçon de piano", un voyage épique, romantique et initiatique
- Arte : La Nouvelle-Zélande, l'île grandiose de Jane Campion, Richard Tindiller, 2016
France Culture : Podcast Jane Campion, émission Hors-Champs, 2009
L’Image manquante de Rithy Panh
Documentaire – Cambodge – 2015 –1h32 – Avec Randal Douc
Il y a tant d’images dans le monde, qu’on croit avoir tout vu. Tout pensé. Depuis des années, je cherche une image qui manque. Une photographie prise entre 1975 et 1979 par les Khmers rouges, quand ils dirigeaient le Cambodge. A elle seule, bien sûr, une image ne prouve pas le crime de masse ; mais elle donne à penser ; à méditer. A bâtir l’histoire. Je l’ai cherchée en vain dans les archives, dans les papiers, dans les campagnes de mon pays. Maintenant je sais : cette image doit manquer ; et je ne la cherchais pas - ne serait-elle pas obscène et sans signification ? Alors je la fabrique. Ce que je vous donne aujourd’hui n’est pas une image ou la quête d’une seule image, mais l’image d’une quête : celle que permet le cinéma. Certaines images doivent manquer toujours, toujours être remplacées par d’autres. Dans ce mouvement il y a la vie, le combat, la peine et la beauté, la tristesse des visages perdus, la compréhension de ce qui fut. Parfois la noblesse, et même le courage : mais l’oubli, jamais.
"Dans l’œuvre de Rithy Panh, chaque film est l’occasion d’une nouvelle étape esthétique et mentale, d’un retour à la vie. Ainsi, faire un film sur le passé quand il n’y a pas d’images justes, mais seulement des images de propagande Khmer Rouge, ne résout pas la question de l'auteur : comment figurer le tragique en l’absence d’images, lui qui avec le temps et au fil des films est enfin prêt à représenter sa propre histoire. C’est à ce défi précis, à cet endroit même, que la grande idée de ce film explose : l’introduction et le filmage de figurines de terre peintes, sobres et puissantes. On pourrait croire à une énième technique d’animation, mais non ! Ces figurines d’apparence enfantine sont statiques, et une subtile composition sonore basée sur une voix off les anime. C’est le récit sonore documentaire qui leur donne vie et mouvement. Les images manquantes sont par essence le lieu où le cinéma invente le réel, ce film est probablement l’une des plus puissantes représentations de l’irreprésentable."
Jean-Michel Barbe - Tënk
Ressources pour exploiter le film
- Dossier pédagogique édité par le CNC
- Entretien avec Rithy Panh "La genèse du film raconté par le réalisateur" et "l’utilisation d’images d’archives"
J'ai perdu mon corps de Jéremy Clapin
Animation – France – 2019 –1h21 – Avec les voix d’Hakim Faris, Victoire Du Bois, Patrick d'Assumçao…
À Paris, Naoufel tombe amoureux de Gabrielle. Un peu plus loin dans la ville, une main coupée s’échappe d’un labo, bien décidée à retrouver son corps. S’engage alors une cavale vertigineuse à travers la ville, semée d’embûches et des souvenirs de sa vie jusqu’au terrible accident. Naoufel, la main, Gabrielle, tous trois retrouveront, d’une façon poétique et inattendue, le fil de leur histoire...
"[…] Le scénario est tiré du roman Happy Hand de Guillaume Laurant, que l’auteur a librement adapté avec Clapin. Un tandem d’écriture fructueux, tant l’imaginaire et la forme s’imbriquent harmonieusement. Très vite, les cadres sur les toits parisiens, la nuit, ouvrent les péripéties de cette créature orpheline à la magie du cinéma, en format Scope. Le mélange des genres est d’une immense finesse, et transcende en images animées ce que les prises de vues réelles auraient peiné à saisir. L’œuvre débute comme un film noir, puis vire au fantastique, au récit d’aventures, à la chronique sociale, au mélodrame et à la romance. Le lien aux origines est savamment tissé dans les allers-retours incessants entre les différents niveaux temporels, parsemés d’ellipses pudiques. Fils d’une violoncelliste et d’un guitariste amateur, le jeune héros, Naoufel, se rêvait pianiste et astronaute. Pas l’un sans l’autre. Terrien et aérien à la fois. Sa collection de cassettes audio, consignes sonores de sa jeunesse, bouleverse. En ressuscitant, grâce au son, les images de ce qui a disparu, ce récit de séparation réussit l’impensable : rassembler ce qui est disloqué. Aidé des accords musicaux de Dan Levy, et des titres de rap, de Brassens ou de Laura Cahen, le ressenti est fort lorsque la dernière scène s’évapore. Celui d’avoir assisté, sans cesse au bord du vide, à une épopée humaine, une tentative de réconciliation."
Olivier Pélisson - Bande à part
Les Sorcières d'Akelarre de Pablo Aguëro
Drame, Historique – France, Espagne, Argentine – 2020 –1h32 – Avec Alex Brendemühl, Amaia Aberasturi, Daniel Fanego…
Pays basque, 1609. Six jeunes femmes sont arrêtées et accusées d’avoir participé à une cérémonie diabolique, le Sabbat. Quoi qu’elles disent, quoi qu’elles fassent, elles seront considérées comme des sorcières. Il ne leur reste plus qu’à le devenir…
"Récit d’une aberration judiciaire, le film pointe la responsabilité d’une société patriarcale, où la misogynie se drape de la robe austère de l’Église, dans la condamnation hâtive d’innocentes au bûcher. Parce qu’elles ont dansé et chanté des airs licencieux alors que leurs époux sont en mer, cinq femmes sont emprisonnées et soumises à la question par les séides de l’Inquisition. Doublement minoritaires (en tant que femmes et en tant que Basques), les héroïnes opposent au langage compassé des agents du Saint-Siège la vigueur de leur dialecte. Leurs chansons traditionnelles, entonnées à tue-tête à la barbe des gardes, se révèlent de véritables hymnes à la résistance, la sensualité qui s’en dégage trahissant la culture païenne de la région (mise en valeur lors de quelques flashbacks champêtres). Pour les femmes d’Akelarre, refuser de « parler chrétien » (c’est-à-dire castillan) revient à embrasser l’anathème auquel on les condamne : se faire sorcière leur permet avant tout d’exhiber le poids de la domination masculine afin d’en saper les fondements, le récit prolongeant par la fiction l’engouement féministe récent pour cette figure subversive. Aussi, si l’extorsion des aveux ne tarde pas à venir, c’est qu’à l’injustice répond un renversement des rapports de pouvoir : tenant à la fois de Pénélope et de Shéhérazade, les sorcières patientent avant le retour providentiel de leurs maris en racontant le déroulement de sabbats fictifs, dont le récit pourrait bien ensorceler les tortionnaires."
Thomas Grignon - Critikat
Ressources pour exploiter le film
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