Madeleine et René : mère et fils, écrivains en solo ou à quatre mains.

C’est une histoire de famille. Celle des Julien-Labruyère. Au commencement Madeleine, veuve d’un notaire qui s’est suicidé suite à de "mauvaises affaires".

Sous les conseils de sa cousine Marcelle Tinayre, autrice célèbre et célébrée en ce début de XX^e siècle, Madeleine se lance dans l’écriture : Le Roman d’une épée paraît en 1903. La fiction se déroule dans la ville de Saintes, en Charente-Maritime, pendant la Révolution. Lis et Scabieuse (1904) offre un passage romancé de la duchesse de Berry en Saintonge. L'année suivante paraît La Ganipote, l'histoire d'un grand loup ou d'un lycanthrope, sorte de créature mi-homme, mi-loup, issue des légendes d’Aunis et de Saintonge. Madeleine écrit aussi pour la jeunesse : Ma première traversée est publié en 1906 par Hetzel, l’éditeur de Jules Verne, d’André Laurie et d’Élisée Reclus. On y expérimente la descente de la Seugne, un affluent de la Charente, en barque.

En 1910, l’Académie française prime L’Inutile Route¹. Selon le Dictionnaire biographique des Charentais (Le Croît vif, 2005) le roman "décrit le désastre intime d’un couple entre le marais rustre mais authentique et les attraits fastueux, donc trompeurs, de Bordeaux".

Toute l’œuvre de Madeleine est charentaise. Sans pour cela être régionaliste, elle décrit le monde qui l’entoure et rencontre un vif succès populaire. Ces livres paraissent souvent en feuilletons dans les journaux.

En 1871, à dix-huit ans (elle est née à Jonzac (17) en 1853), elle donne naissance à Jacques, qui deviendra général et se piquera d’égyptologie.

Puis en 1875 arrive René, qui deviendra amiral et se laissera séduire par l’écriture. Entre récits de voyages (Tahiti, notes et impressions en 1902 ou De la Nouvelle-Calédonie aux îles Hébrides en 1909) et ouvrages maritimes (Deux années de guerre navale en 1916, La Sonorisation à bord des navires, 1943), il écrit aussi des romans comme Les Naufrageurs², en 1927, où l’aventure croise l’espionnage, le polar et l’amour : un thriller avant l’heure.

Reconnus par ses pairs (1917 : Prix Bordin ; 1933 : Grand Prix Gobert ; 1946 : Prix Louis-Paul-Miller ; 1949 : Prix Montyon) il conquiert aussi le public avec, par exemple, Les Frères Rorique, édité par Le Masque en 1934.

L’affaire se complique pourtant. Mère et fils utilisent de nombreux pseudonymes. Madeleine varie entre "Mademoiselle Rousset" (1902), "Baronne Myrica" (1903), "M. Julien" (ouvrages pour la jeunesse, entre 1911 et 1919) et "M. La Bruyère" (1903-1929). Quant à René, il use de "Pierre de Myrica", de "R. d'Antignac" et de "René La Bruyère".

Ce dernier nom d’ailleurs pose problème, car, en 1908, la Société des gens de lettres a attribué l'ensemble des œuvres de Madeleine La Bruyère à René La Bruyère. Le partage des œuvres se fera en 1916.

Car mère et fils écrivent aussi à quatre mains. En 1913 paraît Ces Messieurs de Julhiac le Coq, un grand roman historique sur l’invention du cognac pendant la Fronde.

Cette histoire familiale ne s’arrête pas à la mort de Madeleine (1933) ou de René (1951). Elle se poursuit avec François, l’arrière-petit-fils de Madeleine, à qui l’on doit La Noyée de Royan (éditions Arléa, 2000) ainsi qu’une vingtaine de livres, dont Maman Madeleine, mémoire d’outre-Saintonge (éditions Le Croît vif, 1993).

1. Citation issue de L'Inutile route :
"Mère, déclara le jeune homme, très résolu mais dont la voix tremblait, je viens vous demander de consentir à mon mariage.
— Te marier à 25 ans !… perds-tu la tête !… s’exclama Victoire."

2. Citation issue des Naufrageurs :
"— Olivier, il faut aujourd’hui dire adieu à notre amour !
— Dire adieu à notre amour ! Marguerite que j’ai tant aimée, que j’aime toujours ardemment, renoncer à vous au moment où j’espérais que vous alliez, enfin, me donner la preuve que votre cœur m’appartient !"