Quand les auteurs de Nouvelle-Aquitaine écrivaient le monde
Durant le mois d’août ALCA propose de découvrir 12 auteurs voyageurs néo-aquitains issus de la Bibliothèque patrimoniale numérique.
Témoins de leur temps les écrivains aquitains ont apporté leur témoignage sur les explorations et découvertes du XIXe et XXe siècles.
Relater d’autres mondes, d’autres civilisations, découvrir et partager ?
Découvertes et explorations : tout dépend si l’on est colonisateur (envahisseur) ou colonisé (résistant.)
Aujourd’hui on s’accorde à dire que cette période fut celle d’un pillage systématique des régions conquises : l’or du Transvaal, l’hévéas du Brésil, l’opium annamite, le sucre et les épices des îles (atlantiques ou pacifiques), et toutes les belles marchandises. Plus tard : le pétrole, l’uranium, le cobalt… autant de diamants de sang.
Les habitants ? Des peuples barbares, belliqueux et anthropophages que l’on doit accessoirement convertir à la grande gloire de dieu.
On évangélise à coup de machette au Congo, de chicotte au Gabon, de canon en Indochine (c’est plus rapide).
Découvertes : aventures scientifiques certes, militaires économiques et religieuses soit.
Mais culturelles, peu.
Le contexte posé venons-en au sujet qui nous préoccupe (la culture, donc) : En cette période enthousiasmante des voyageurs peut communs témoignent, apportent un éclairage, inventent des futurs : ce sont des écrivains.
Sans oublier de replacer les écrits dans leur contexte temporel : si écrire "nègre" n’est pas forcément un préjugé raciste (lire Sales nègres de Jacques Roumain ou Discours sur la Négritude d’Aimé Césaire) le sentiment que l’homme blanc est la race élue est souvent implicite.
Ces auteurs sont les contemporains d’autres éminents écrivains voyageurs : Blaise Cendrars (Les Pâques à New-York), Jack London (Le Prisonnier des étoiles), Robert-Louis Stevenson (La Plage de Falesà), Anita Conti (Racleurs d’Océans), Mary Kingsley (Une odyssée africaine), ou Nellie Bly (Le Tour du monde en 72 jours).
Certains donnent dans la fiction : romans, nouvelles, récits : Camille Debans fonce à toute vapeur en Amérique, Gaston Chérau pille l’Italie mussolinienne, Elie Berthet tente de survivre dans la jungle de Sumatra, Jean Giraudoux sème la terreur au cœur de l’Afrique avec ses "hommes tigres", Jean Galmot poursuit la tentation en Guyane.
Certains comme Antoine D’abbadie donnent les bonnes recettes : les trucs à éviter, les bons plans pour devenir un voyageur efficace ; une guide du routard avant l’heure.
Certains racontent leur voyage, de façon plus intime. C’est le cas de Jean-Richard Bloch : "C’est un problème à peu près insoluble, de savoir ce qui est préférable, ou bien vivre, ou bien noter sa vie ; se jeter sur tout ce qui passe, ou s’arrêter pour le décrire. Il est bien plus excitant de s’élancer à la suite des évènements ; mais alors tout s’écoule, on ne conserve rien. Les fixer est la seule manière de leur éviter l’universel naufrage du temps ; mais alors tout échappe, on ne participe à rien. Un troisième procédé consisterait à vivre et, en même temps, fixer sa vie. Habile qui y réussit. J’avoue ne pas le pouvoir."
Certains dans les pas de Bartolomé de Las Cassas quelques siècles plus tôt (Très brève relation de la destruction des Indes, à propos des génocides consécutifs aux grandes "découvertes" espagnoles), décrivent sans concessions les "nouveaux" territoires, comme Louis Chadourne, dans Le Pot au noir : "J’ai vu les cités bâties par les marchands sur les bords des mers lointaines, sur des rivages enfiévrés où seule une cupidité tenace peut enchaîner l’homme blanc ; la diversité des coutumes et l’uniformité des passions ; les vaines agitations des coureurs d’aventures, la ruée vers l’or, la cruauté des primitifs et celle, plus dangereuse, des civilisés ; la mêlée des haines, des convoitises, des superstitions, sous ce soleil tropical qui chauffe le sang et qui illumine brutalement le dessous de l’âme humaine, de même que le faisceau d’une lampe projeté sur un visage en révèle les tares secrètes."
Il y en a aussi bien d’autres à sévir dans la Bibliothèque patrimoniale numérique d’ALCA : Joseph Kabris, tatoué de la tête aux pieds dans les îles Mendoça, Eugène Parès languissant d’amour pour La Fille du Dragon rouge, Pierre Viaud naufragé et anthropophage, et pour conclure (mais la liste est encore conséquente) Jean de la Ville de Mirmont : Voilà ! Je suis parti plus loin que les Antilles, Vers des pays nouveaux, lumineux et subtils.